historique de l'Apocalypse de Saint-Emilion
Suite à sa visite du Chemin de Croix de Notre-Dame de Bias dans le lot & Garonne en 2012,
l’Abbé de Rozières, curé de Saint-Emilion, commande une Apocalypse de Saint-Jean
pour le mur occidental du cloître de la Collégiale de Saint-Emilion.
Le cahier des charges était clair : faire une œuvre qui encourage l’Espérance.
Apocalypse veut dire dévoilement.
Jean est choisi pour dévoiler le dessein de Dieu, le sens et l’essence de notre vie,
et donne les clés du combat entre le Bien et le Mal. Et il nous assure de la victoire finale du Bien
et que l’homme verra Dieu. Parce que Dieu nous aime et que son fils, agneau immolé, nous sauve par son sacrifice.
Contrairement à l’idée communément admise, l’Apocalypse, « dévoilement » ou « révélation »,
est un magnifique texte d’Amour et d’Espérance
Heureux celui qui lit, et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites.
Apocalypse 1 : 3
Jean transcrit les visions qui lui sont données par Dieu et les fait partager.
Elles sont fulgurantes.
Jamais il ne dit « je compris alors... » ou « je sus »… Non toujours il dit « Et je vis… » .
L’apocalypse est un ensemble de visions : « la Gloire de Dieu… » « Armageddon » etc..
Les deux verbes les plus employés dans l’Apocalypse sont « voir » et « entendre »
Nous comprenons donc les raisons de cette commande de l’Apocalypse par l’Abbé de Rozières.
Aujourd’hui le monde doute. Nous sentons bien que notre société est malade.
et le quidam ne croit plus aux solutions politiques et humaines.
L’homme est devenu morose quand il n’est pas désespéré.
Marcel Duchamp frappé par la boucherie de la première guerre mondiale
pense qu'il n'y a plus de sens
à l'art et choisi le dérisoire, le nominalisme, renonçant au Beau.
Mais le chrétien ne se résigne pas au Mal ou au vide.
Il choisit d’affirmer l’Espérance, de traquer le Beau comme Théophanie, Incarnation de la Vérité.
Gardons à l’esprit deux phrases.
L’une de Jean Clair, académicien et historien de l’Art
« Un Dieu sans la présence du Beau est plus incompréhensible qu’un Beau sans la présence d’un Dieu. »
L’autre du Pape Paul VI :
« Ce monde dans lequel nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance »
Avant la commande, j’avais lu le texte une foi, je n’en avais aucune connaissance sérieuse.
Je me suis lancé dans la lecture, pinceau en main.
Je lisais, je peignais : une sorte de peinture mot à mot, ou de lecture tableau après tableau.
En même temps, j’étais occupé ailleurs par d’autres œuvres d’église
Le résultat ne satisfit ni l’Abbé de Rozières, ni moi-même.
Avant même de parler des tableaux, il était visible qu’il n’y avait aucune vue d’ensemble, aucune synthèse ou réflexion profonde.
La suite de tableaux disparates ne représentait qu’un intérêt illustratif, une sorte de bande dessinée géante qui manquait son but :
une exégèse plastique de l’Apocalypse, une pensée synthétique et interprétative.
Et peu de réflexion sur la nature du Bien et du mal.
L’Abbé de Rozières fit alors l’analyse juste et su prendre la décision nécessaire.
Il me dit « Avec cette première version, vous n’êtes pas parvenu à un résultat satisfaisant
parce que vous n’avez pas une connaissance suffisante du texte et que vous êtes distrait par vos autres travaux.
L’Apocalypse nécessite une plongée totale . Vous allez donc refuser toutes les autres propositions
pour vous consacrer exclusivement à l’Apocalypse de Saint-Emilion. Pour cela la Paroisse pourvoira à votre pain quotidien.
Vous avez une année devant vous »
Ainsi fut fait.
Fort de cette quiétude j’ai pu consacrer six mois à l’étude du texte, à chercher l’articulation de mon travail,
à rencontrer des théologiens, à lire des exégètes, en un mot à m’immerger dans l’Apocalypse.
J’ai pu alors laisser sédimenter les alluvions que j’avais emprunté aux riches terreau
et voir ainsi se dessiner la structure du travail à proposer à l’Eglise.
La lecture de Victorin de Poettovio, exégète du III° siècle qui analyse l’Apocalypse
comme une suite de visions s’articulant par des images
et concluant donc que la lecture chronologique ne parait pas la plus adéquate, m’ouvrait des horizons.
En même temps les réflexions de Régis Debray analysant la différence entre les arts diachroniques
(c.-à-d. demandant une lecture linéaire chronologique comme la littérature, le théâtre, la danse, la musique…)
et la peinture synchronique (la vision de l’ensemble du tableau… il n’y ni début ni fin dans un tableau)sont intéressantes.
Michel-Ange n’assimilait-il pas, pour cette raison, le bas-relief à la peinture
et non à la sculpture car il est vu dans son ensemble immédiatement.
Ces lectures amenèrent à proposer à l’Eglise une Apocalypse non chronologique,
en la construisant sur ce conflit entre le Bien et le Mal,
plus proche d’une vision médiévale (une seule construction avec des mansions) que classique.
La Vision de Dieu est au centre précis de l’Apocalypse.
D
’un côté est représentée la Femme enceinte, attaquée par le mal,
de l’autre la Femme ayant pu protéger son enfant portant le sceptre de fer d’Armageddon.
Ces deux demandes me furent accordées.
Tout au long de ce travail entouré par la réflexions de prêtres spécialistes de l’Apocalypse :
le Passioniste et johanniste le Père Philippe Plet, le Frère Dominicain Pierre de Marolles,
auteur d’une thèse sur l’Apocalypse et animateur des émissions « théodom »,
le Père Lafaye, professeur d’Apocalypse au Séminaire de Bordeaux et d’autres prêtres amis dont évidemment l’Abbé de Rozières.
Cette Apocalypse est donc agréée dans son message et libre dans son expression.
C’est à dire que plastiquement, dans la forme (dessin, couleurs, images, composition, découpe, etc… )
l’Eglise m’a laissé totalement libre de créer tel que je l’entends
pourvu que le message soit en concordance avec le cathéchisme de l’Eglise Catholique.
Toutes les images sont donc, dans leur portée religieuse, acceptées par l’Eglise.