Histoire de l'Apocalypse
Les premières comme des dernières pages d’un livre ont une importance primordiale.
Elles donnent souvent la clé de lecture qui nous fera entrer dans le livre ou en comprendre le sens profond.
Si la Genèse ou le récit des origines est le premier livre de la Bible, l’Apocalypse en est le dernier.
Elle éclaire l’ensemble et permet d’en comprendre le sens profond. Elle donne un sens à notre vie sur terre
et montre que l’homme, si il ne choisit Dieu ne peut subsister.
L’Apocalypse, dernier écrit de la Bible, est écrite entre 86 et 96, sous l’Empereur Domitien, par Jean, exilé à Patmos.
Dès le II° siècle, Justin de Naplouse affirme le texte comme étant canonique et cela est confirmé par les synodes de Carthage en 397 et en 419.
L’Apocalypse connut deux grandes périodes de représentation liées à des périodes historiques particulières.
En 711 l’islam atteint en Espagne son expansion maximale et seul un petit royaume au Nord, le Royaume des Asturies, reste chrétien.
Dans la vallée de Liébana, un moine nommé Béatus rédige un livre de 776 à 786 avant de mourir en 798.
C’est une compilation qui présente la première traduction complète en latin de l’Apocalypse originale en grec suivie de toutes les exégèsesde ce temps.
Au même moment est découvert le tombeau de Saint Jacques, frère de Jean, à Compostelle.
Une révolte chrétienne en terre musulmane est suivie d’une répression féroce exercée par Mohamed I° (852 – 886).
Les chrétiens d’Al Andalus vont fuir l’oppression et aller se réfugier dans le royaume des Asturies
emportant avec eux les influences arabes, wisigothiques, carolingiennes, musulmanes, ariennes.
Pour exorciser la peur devant un islam triomphant, il faut entretenir la flamme de l’Espérance,
et être persuadé que le Bien l’emportera sur le Mal.
Les artistes réfugiés vont créer nombre d’enluminures pour les copies de ce livre durant tous les X°, XI° XII° siècles.
Combien ? Nous ne le savons pas mais aujourd’hui il en reste trente (30), dont 22 sont illustrées par des enluminures dites « mozarabes ».
C’est le plus gros corpus cohérent de l’Apocalypse.
Ces exceptionnels « Beatus » n’auront qu’un seul « rejeton » connu au nord des Pyrénées : l’ Apocalypse de Saint-Sever.
A partir du XII° siècle le traitement global de l’Apocalypse disparaît
et les artistes d’Eglise vont piocher certains passages particulièrement signifiants.
Le relais va surtout être pris par la sculpture, et particulièrement les tympans des nouvelles églises qui apparaissent alors :
tympan de la Cathédrale d’Autun (XII°), tympan de l’Abbatiale de Conques (Jugement dernier de la période 1107/1125),
Moissac (chapiteaux de l’un des côtés du cloître 1100 mais aussi tympan du XII°), Chartres ,
Bourges (où il y a également une peinture murale du Cavalier Blanc et des vitraux de l’Apocalypse datant du XIII°
et en point d’orgue le tympan de la Cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle, son Tétramorphe et ses vingt quatre vieillards.
Le quatorzième siècle va voir la création d’une œuvre très importante qui traite l’ensemble du texte.
Comme pour la période espagnole le contexte historique est important. L'Occident souffre et doute : nous sommes vingt ans après la Grande Peste (1348 – 1352) qui a vu disparaître de 30 à 60 % des gens par épidémie, la Guerre de Cent ans (1337 -1453) fait rage
et la Chrétienté est en passe de perdre Byzance (1453). La période est dure...
Imaginez aujourd’hui à Paris plus de six millions de gens mourant en deux ans d’épidémie.
Il y a fort à parier que les quatre millions restants seraient pris de panique et chercheraient à se donner de l’Espérance…
Les populations d’alors ont pris cette épidémie pour une punition divine
mais encore plus comme une invitation (musclée) à reprendre une vie plus chrétienne, à la conversion.
Il s’agit de la célèbre Apocalypse d’Angers commandée en 1373 à Jean de Bruges, l’un des premiers « primitif flamand »
qui est alors peintre officiel du Roi de France Charles V. Ses cartons seront réalisés par le maitre-lissier Nicolas Bataille à Paris.
Cette seconde grande période de représentation de l’Apocalypse, verra la réalisation
de la Rose de la Sainte Chapelle (1485), du Jugement Dernier de la Cathédrale d’Albi (1474)
et se terminera par les quinze gravures d’Albert Durer, illustrant l’ensemble du livre (1498) et dont la gravure des quatre cavaliers est célèbre.
La suite des deux guerres mondiales, et ses massacres insensés va amener un regain d’intérêt pour l’Apocalypse.
Mais l’artiste du vingtième siècle n’aime pas obéir, même à un texte divin.
Ce seront donc des œuvres « inspirées de l’esprit de l’Apocalypse » plus qu’un travail spécifique sur l’Apocalypse.
Ainsi en est-il des travaux de Carzou à Manosque, de Lurçat avec le Chant du Monde à Angers, de l’Eglise du plateau d’Assy
ou de nombreux artistes travaillent dont certains sur des bribes de l’Apocalypse (Lurçat par exemple).
L’Apocalypse dans le domaine pictural a connu deux grandes périodes de réalisations artistiques
A – X° au XII° siècle, traitement de l’ensemble de l’Apocalypse par des enlumineurs en Espagne
B – XIV°- XV° siècle traitement de l’ensemble (tapisserie d’Angers 1372, gravures de Dürer 1498)
Et depuis la fin du vingtième siècle nous sentons un frémissement mais « libertaire » c’est à dire s’inspirant de l’Apocalypse
mais avec une interprétation et une inspiration individualiste et non assujettie à l'Eglise.